mardi 5 mai 2009

Safari dans le Nord !

Je savais que le Bénin me changerait avant même de partir, lorsque je me suis acheté une casquette à la MEC, chose que je n’avais pas portée sur ma tête depuis mes douze ans ! Déjà, à mon deuxième jour à Cotonou, je m’achetais mon premier cellulaire ! Et bien arrivé dans le Nord, ce n’était pas terminé ! J’ai maintenant à mon actif 60 km de moto en tant que conducteur !

OK, ce ne sont pas exactement des motos, mais des mobylettes : pas de clutch, on a juste à changer les vitesses et à donner du gaz, mais ça va quand même à plus de 70km/h et c’était moi qui conduisait ! En toute légalité, dois-je préciser, puisqu’ici, ça ne prend pas de permis pour conduire une moto !

Nous avons loué ces mobylettes pour partir dans un village où l’on retrouve des habitations traditionnelles, des tata somba, maisons en terre à l’intérieur desquelles on retrouve dans le même bâtiment les chambres à coucher, la cuisine, le grenier, l’étable et le poulailler ! Le tout dans un paysage magnifique de savane avec les chaînes de montagne au loin ! Merveilleux, sauf, qu’on dormait sur des nattes directement sur le sol, pis c’était plus qu’à la dure ! Disons qu’on n’a pas beaucoup dormi !

Ensuite, le safari où on a vu des buffles, des babouins, 4 ou 5 variétés d’antilopes, des hippopotames et des éléphants qui ont marché à 15m de notre jeep ! Vraiment une superbe expérience qui en valait vraiment la peine et on a pris un paquet de photos qui seront bonnes je l’espère ! Si un éléphant c’est assez gros, ce n’était pas toujours évident de saisir une antilope au galop sans zoom digne de ce nom ! Et même les éléphants, ce peut être surprenant de les voir se cacher derrière un petit arbre et son feuillage à moins de 20 m de vous !

Ensuite, je me suis tapé ma première vraie indigestion tropicale ! Au deuxième jour du safari, j’ai vomi mes trippes en pleine savane. Un guide m’a expliqué que quand un garçon vomi ainsi, c’est parce qu’un lion l’a enfanté… Il a trouvé ça ben drôle, moi pâle comme un drap, je n’ai pas trop compris, mais je me suis réjouis puisque c’était le seul animal que nous n’avions pas encore vu ! Bref, j’ai été trois jours à pratiquement rien pouvoir mangé, mais aujourd’hui j’ai retrouvé l’appétit et tout va bien !

Pour la fin du voyage, nous retournons à Grand-Popo pour se la couler douce au bord de la mer avant de revenir à Cotonou préparer le grand retour ! Je suis content de tout ce que j’ai vécu, mais je serai content de prendre l’avion dimanche soir pour revenir à Montréal !

A très bientôt !

Jean-Luc

lundi 20 avril 2009

Les vagues de Grand-Popo

Salut tout le monde!

D'abord, je suis désolé de ne pas avoir mis encore de photos et mauvaise nouvelle, je n'en mettrai pas au Bénin! Je sais, j'ai des amis qui en ont mis, mais soit ils disposent d'un portable pour travailler à la maison, soit ils passent BEAUCOUP de temps au cyber! N'ayant pas le premier et n'étant pas intéressé par l'autre, je vous promets cependant de vous envoyer une chronique montréalaise où je vous mettrai les photos commentées de ce périple!

Grand-Popo et la plage, la plage et la mer, la mer et les vagues, les vagues et le ressac, le ressac et Jean-Luc, Jean-Luc recraché sur la plage, à Grand-Popo!

La mer du Bénin est vraiment forte! Les vagues vous font passer cul par dessus tête, et ce n'est pas une figure de style, avant que le ressac n'essaie de vous entraîner au large en vous drainant vos dernières énergies! Intense et très amusant, mais le lifeguard a trouvé sa limite!

Les vacances ont donc été superbes! Grand-Popo est une minuscule ville (2 rues) sur le bord de la mer dont la principale fonction est le tourisme. Notre hotel était un peu en retrait de la ville et nous y étions pratiquement les seuls clients. Ca nous a permis de négocier un prix hors-paires pour les chambres et d'avoir la plage à nous seuls! La sainte paix! Plage, mer, piscine, rhum and coke et bouffe occidentale! La nourriture béninoise est excellente, mais lorsqu'on a mangé notre premier steak avec des patates pilées, nous nous sommes tous rappelés que ce n'est pas dans l'igname et l'akassa que nous sommes tombés quand nous étions petits!

La grosse vie sale! Ca nous a permis de décrocher, de nous détendre et de nous reposer... non, il ne faut pas exagérer, c'est fatigant les vacances! Surtout le retour! Le transport se fait ici en taxi voiture, mais au retour, nous étions 6 dans une voiture 5 places, sans compter le conducteur! Si ce n'était que ça, il a fallut tomber sur un embouteillage monstre et le voyage qui doit durer moins de 2h en a pris 5!

Un peu dur de revenir à la réalité de la dernière semaine de stage, mais ça va ! On y replonge tranquillement ! Vendredi, ce stage sera déjà complété et je quitterai ma famille d’accueil si sympathique, les amis faits au gré des rencontres fortuites typiques du Bénin, une routine et une ville à laquelle on commençait finalement à s’habituer ! Deux mois, c’est assez long pour se rappeler que l’on n’est pas chez soi, mais c’est vraiment trop court pour s’installer quelque part ! Consolation, j’ai un safari-photo qui m’attend dans le Nord la semaine prochaine et une blonde brune à embrasser dans 3 semaines ! Pour le safari, et le safari seulement, je vous donne quelques détails ! Nous sommes 5 à partir au Parc national de la Pendjari, site que l’on sillonera en 4X4 à la recherche d’éléphants, de buffles et de lions ! J’ai des amis qui en reviennent et ils ont tous trouvé l’expérience fascinante !

Je voulais aussi revenir rapidement sur le message où je parlais du châtiment corporel. Juste pour dire que même si ça choque et que ça me choque encore, les enseignants ne sont pas des monstres cruels. Je m’entends bien avec mes enseignants-associés et ils sont très sympathiques. On retrouve chez la majorité des enseignants que j’ai rencontrés un désir très fort d’apprendre la matière aux élèves et d’œuvrer pour le développement du pays. Ce qui manque ici, c’est d’abord des ressources matérielles. Est-ce que j’ai écrit ici que les photocopies sont aux frais des élèves ? Ensuite, il faut davantage d’écoles et de professeurs pour diminuer la taille des classes qui sont de 50-60 au secondaire. Sans quoi, il demeure impossible aux enseignants de s’occuper des plus faibles. Il faut enseigner au groupe et les plus forts resterons à la fin. Ici, la différenciation pédagogique est inexistante, faute de ressources, et ça c’est un autre choc profond avec la pédagogie québécoise qui prône la réussite pour tous…

Au Bénin, l’éducation secondaire n’est pas obligatoire et elle est payante. Si l’éducation demeure très valorisée, les efforts d’intégration se font surtout sentir au primaire. L’Etat défraie une partie importante des coûts de la scolarité et on voie des campagnes de publicité « Toutes les filles à l’école » un peu partout. Tout ça pour dire l’éducation béninoise n’est pas synonyme de torture !

Et il demeure que si un Béninois venait faire de la suppléance dans une de nos polyvalentes, on aurait beau lui offrir tous les supports didactiques du monde, il ne comprendrait pas comment on fait pour enseigner dans un pareil bordel ! « Quoi, on les envoie à l’Oasis ? C’est un lieu de vacances ? » Au Bénin, on appelle un chat un chat et un trouble de comportement, ça va voir le préfet de discipline !

Bon, justement, j’ai un cours à préparer pour demain !

Je vous redonne des nouvelles bientôt !

Jean-Luc

vendredi 10 avril 2009

Mon anniversaire au Bénin!

Salut encore!

D'abord merci à tous ceux qui m'écrivent et qui me répondent, ça me fait toujours chaud au coeur d'avoir de vos nouvelles!

Samedi dernier pour ma fête, nous sommes sortis en boîte béninoise! En fait, on est sorti le vendredi parce que c'était ladies night! Ca coutait quand même 7,50 dollars le cover pour les gars, mais à neuf, ça nous a donné une bouteille de whiskey, vite disparue à la quinzaine que nous étions! Peu d'alcool donc, mais que de danse! Ca danse pour vrai des Africains et ça ne fatigue pas!

On entre en boîte vers minuit et on n'en ressort pas avant 5h du matin! Entre minuit et 5h du matin, il n'y pas de zem pour se déplacer. Il faut bien qu'ils dorment et en plus, il y a parfois des attaques dans les petites rues sombres. On saute sur la moto pour la voler. Et si en plus il y avait un yovo plein de cash sur la moto... Donc, on danse et on danse! Une belle soirée!

Le lendemain, ma famille d'accueil m'avait préparé un super repas et j'ai eu un gâteau pour le dîner et un autre pour le souper! Mais j'avoue avoir eu; malgré tout, un petit moment de nostalgie en passant à vous tous, famille et amis, que j'aurais bien voulu voir pour célébrer!

Je vous raconte un peu une journée type au Bénin, ce qu'on mange, etc.

L'école ici commence à 7H du matin et termine à 19h. Heureusement, je n'ai pas cours toute la journée. D'habitude, je n'ai que le matin ou que l'après-midi. J'occupe donc l'autre moitié de journée pour aller à la bibliothèque apprendre la géographie et l'histoire de l'Afrique ou aller au cyber et espérer que ça marche!

Quand on entre en classe, les élèves sont déjà tous là. L'un tape sur sa table, tout le monde se lève. Une voix dit : "Salut Jésus Christ" et toute la classe répond "béni éternellement". Ca fait tout un effet la première fois. Ensuite, un élève vient vous voir et prend votre sac pour le mener sur la table, pendant qu'un autre passe un chiffon sur la chaise du prof. Ici, être prof, c'est être le maître!

Après les cours, on se rencontre parfois pour prendre une bière et jouer aux cartes. Je commence à me débrouiller au poker. Sinon on entre à la maison, où jouent des feuilletons insupportables à la TV, mais auxquels on commence malgré tout à devenir accro. On soupe vers 21h, on fait la vaisselle et ensuite on discute un peu avec notre mère d'accueil au vent de la cour intérieure. Enfin, il fait frais. Et c'est tellement bien d'être en famille, ça nous permet d'avoir cette maison calme et de réellement voir le mode de vie et de pensée des gens. Et d'avoir des discussions très intéressantes sur les différences qui séparent nos continents! Vraiment, Marco et moi sommes tombés sur une famille fabuleuse, on n'aurait pas pu demander mieux!

Les mercredis après-midi, nous faisons des journées culturelles à l'école de David et Genéviève. Nous avons fait deux séances d'impro et là nous préparons un spectacle de danse et de chant. Jean-Philippe enseigne le gumb-boots (désolé pour l'orthographe) tandis que David, Marco, Etienne et moi dirigeons une chorale qui chantera du Damien Robitaille du Richard Desjardins. Ca va plutôt bien et c'est très agréable d'animer du parascolaire et d'avoir un contact différent avec les jeunes!

Les week-ends, nous avons eu plusieurs visites de groupe. Nous sommes allés au village lacustre de Ganvié, au port de Ouidah, là où les esclaves embarquaient sur les bâteaux négriers et au palais d'Abomey. A cette occasion, nous avons même rencontré le roi pour une séance de 45 minutes! A la fin de la rencontre, il nous dit, comme tous les Béninois: "Maintenant, l'important, c'est de garder le contact!" Et il nous donne son numéro de mobile et fait passer une feuille pour que nous inscrivions nos coordonnées. Surréaliste, j'ai le numéro de mobile d'un roi. Et juste pour tester, David l'appelle là, devant lui. Il ne s'en rend pas compte et son mobile sonne. Il en sort trois de ses poches, identifie celui qui sonne et répond, comme tous les Béninois. (Ici, si un professeur se fait appeler en cours, il arrête le cours pour la durée de son appel!) "Allo, roi Béhanzin?" de demander David. Fou rire général!

Qu'est-ce qu'on mange? Beaucoup de riz et de poisson, du porc, de la volaille. Une fois du boeuf. De la sauce, les trois quarts du temps des tomates et des oignons dans l'huile d'arachide, c'est très bon. Des spécialités locales:

Igname: ça goute les patates et ça se cuisine pareil: bouilli, frit ou pilé
Akassa: pâte de mais ou de manioc. C'est correct, ça goute pas grand chose, mais c'est un peu amer.
Alokko: bananes plantin frites: excellent

Des fruits excellents et murs: bananes, ananas, oranges, mangues et papaye. Il y a deux semaines, nous avons acheté 40 ananas pour 2,5 dollars!

Ok, il me reste presque plus de temps.

Je pars pour une semaine sur le bord de la plage à Grand-Popo, me divertir un peu. Je vous écris en revenant!

A+

J-L

Le traffic au Bénin

Ce n’est pas pour rien que Jeunesse Canada Monde nous a fait signer un contrat nous interdisant de conduire des véhicules motorisés. Ici, la première règle à oublier, malgré la présence énigmatique d’autos-écoles, c’est le code de la route. La meilleure façon de faire un virage à gauche ? Prendre la voie à contre-sens, accélérer et couper toutes les voies pour arriver dans la voie de droite.

Ca, c’est sur le bitume, les boulevards asphaltés. Sur les routes de terre, la meilleure comparaison que j’ai trouvée est celle du canot de rivière. Pour les adeptes, c’est tout comme ! Il faut constamment zigzaguer sur la voie pour éviter les obstacles : trous, bosses, amas de sable, etc. L’autre soir, il a même fallut rebrousser chemin lorsque nous sommes arrivés à une intersection après laquelle la route recommençait brutalement 2 pieds plus bas.

Il y a aussi les pluies. Cette semaine, on a eu notre première vraie grosse pluie. Moi, j'ai eu la chance d'avoir un lift de mon père d'accueil en voiture. Dans la rue, il pleut à torrent, les flaques d'eau sont immenses et comme beacoup de routes sont en terre, c'est de la belle bouette! Il y a très peu de traffic pour une fois, une bonne partie des gens attendant la fin de la pluie avant de se rendre au boulot. Les braves motards qui circulent sont en gros poncho, capuchon attaché et Marco m'a dit qu'il en a même vu avec des lunettes d'eau!

Aussi, il faut imaginer que les rues et le traffic se comparent à celles de Montréal un 1er juillet ! Il y a toujours des gens qui transportent plein d’objets hétéroclites sur la voie et plein d’autres objets qui traînent sur le bord des routes. Exemple d’objets transportés sur des motos : une tondeuse, une vitre de 3 m de long, beaucoup de 2 par 4, un vélo, un frigo !

Il y a aussi les pannes. Par deux reprises, le moteur de mon zem arrête de tourner. Plus d'essence! On reste sur notre aire d'aller (ça s'écrit comment ça aire d'aller?) et on s'immobilise devant un stand à essence. On verse le tout dans le réservoir, on paie, on est reparti!

Pour le piéton, traverser un rond point est évidemment une épreuve de témérité ou de patience. Je suis de moins en moins patient et de plus en plus téméraire, et ça me réussit bien, merci ! Mais, si la vigilance est évidemment de mise pour le piéton qui traverse la rue, ce dernier pourrait croire qu’il peut baisser sa garde lorsqu’il marche sagement sur le trottoir. Grave erreur ! Le chauffeur de moto qui arrête à un kiosque au bord du trottoir ne prévoit pas toujours débarquer de sa moto pour faire ses empellettes. Il embarque à grande vitesse sur le trottoir et arrête à portée de bras de la vendeuse ! Ou encore, si on est pris en file pour tourner à droite, quoi de mieux que d’embarquer sur le trottoir pour dépasser tout le monde et reprendre la voie !

Seule chose à ne pas faire : aujourd’hui vendredi saint, j’ai visité la ville en parcourant le chemin de croix. Une grande masse de pèlerins défilaient dans les rues. Pour contrôler le traffic, des boy-scouts béninois se pointaient au carrefour pour arrêter les voitures et motos. Un zem impatient décide de passer quand même et de couper la file. Il s’est fait arrêter par la foule qui a commencé à lui crier après et le cogner sur la tête, comme on le fait aux élèves du coin ! La cliente qui était sur la moto s’est sauvée sans demander son reste !

Une autre chronique arrive sous peu. C’est que quand je viens et qu’internet ne marche pas, j’écris et je sauve sur ma clé et là ça fonctionne alors je publie !

J-L

Jour de lessive

Bonjour,

Encore très longtemps que je n’ai écrit. Pour ce lundi après-midi de congé, je m’étais promis de prendre du temps uniquement pour vous écrire à vous, Canadiens ! Mais voilà : encore une fois pas d’Internet ! Le bon côté, c’est que je suis seul dans le cyber, sur l’ordinateur le plus récent, puisque je peux écrire sur Word et sauvegarder ce message sur ma clé USB (le tout au prix de nombreux virus africains qui infectent progressivement ma clé…) !

Mardi dernier, je plonge les mains dans l’eau de lessive pour laver mes vêtements. Qu’est-ce que j’ai appris jusqu’ici, mis à part le fait que deux paires de pantalons dont une beige, ce n’est pas assez pour avoir l’air propre toute la semaine? On surnomme Porto-Novo la ville rouge pour la couleur de la terre et de la poussière qu’on retrouve partout. Une demi-journée avec mes pantalons beige et il sont finis !

Faire la lessive est donc une activité hebdomadaire (vous aurez deviné que je porte très souvent mes pantalons gris) qui se fait à la main et qui me prend bien 2h de travail. C’est très zen de penser comme ça que ça nous reconnecte avec les vraies valeurs, que ça remet en perspective la notion de temps… On réalise aussi que nos mains blanches ne sont jamais capables de rendre le linge aussi blanc que les Africains ne le peuvent ! On comprend un peu mieux aussi pourquoi notre famille a décidé d’engager une domestique pour aider aux tâches ménagères une fois les enfants partis : une jeune fille de 13 ans, Séraphine, qui fait tout ce qu’on lui demande en échange d’une éducation de base que ses parents biologiques n’auraient pas pu lui offrir. On se rend compte aussi que les gens ici sont toujours en train de travailler : faire le ménage, puiser l’eau, passer le balai, faire la cuisine, la vaisselle, aller au boulot, faire les courses. Marco et moi essayons d’aider, mais on ne nous le permet pas tout le temps. Résultat, même lorsqu’on se couche vers minuit et qu’on se relève à 6h00 pour aller à l’école, nous demeurons souvent les premiers couchers et les derniers levés ! Une chance qu’on nous laisse faire la lessive !

Justement, une machine à laver ici, ca coûte exactement la même chose que chez nous. Tout comme un paquet de petites choses simples, telles un pot de Nutella ou une bouteille d’huile d’olive. Normal, c’est importé, direz-vous. Or, dimanche dernier, je coupe tranquillement des légumes pour aider ma mère d’accueil qui, en ce jour du Seigneur accepte volontiers de travailler un peu moins. Elle me pointe les carottes et les concombres que je tiens banalement dans mes mains et me dit : « C’est pour les Blancs tout ça ! Elle m’explique que ces légumes, cultivés au Bénin ne sont pas abordables pour la majorité de la population. Si nous nous préparons à en manger pour le grand repas du dimanche, c’est parce que nous sommes dans une famille éduquée qui a un peu plus de moyens. Je m’informe du prix des concombres, des carottes, des poivrons. Je fais la conversion et je constate qu’ils sont effectivement aussi dispendieux qu’au Canada ! Sauf qu’ici, le salaire moyen est de 75 dollars canadiens par mois.

Leçon d’économie, cours de géographie économique avec Juan Luis Klein ! La mondialisation a pour effet d’uniformiser les prix, ce qui les fait monter dans les pays en voie de développement dont la production est destinée à l’exportation. Conséquence, les populations ne peuvent plus se payer le fruit de leur travail et la pauvreté s’accroît. (Est-ce que je vous ai dit qu’ici, on rejette le politically correct « voie de développement » au profit du réel « sous-développement »?)

Leçon de terrain, deux pieds en Afrique, c’est bien le nom de ce blogue ? J’ai une couple de faces à coller sur les mots de mes livres…

L’économie d’ici a deux formes : le commerce formel et le commerce informel. Le commerce formel suit les cours mondiaux. Si au moins il ne concernait que les produits de luxe, ce serait un moindre mal, mais il touche également un certain nombre de produits de nécessité. Sur le réseau informel, on trouve l’essence, les courses de zem (les taxis-motos), et toutes sortes de petites choses que les gens se marchandent entre eux. Par exemple, ma famille vend de la glace aux gens du quartier qui n’ont pas de frigo : 25 francs (6 sous canadiens) pour environ 500 ml d’eau qu’ils ont fait congelé la veille. Elle vend aussi de l’eau du robinet aux dames qui viennent la chercher dans un robinet à 2m de hauteur et qui coule directement dans la chaudière qui est sur leur tête. Ici, le fait d’être dans la classe moyenne aisée, ça permet de se payer le luxe de l’eau courante et des légumes frais le dimanche !

L’essence est vendue à tous les coins de rue dans des bouteilles de vin ou d’eau minérale. Elle provient du Nigéria voisin. Des trafiquants béninois partent avec environ 50 gallons de plastique vides attachés à leur moto. On dirait une immense grappe de raisin sur 2 roues ! Ils envoient les bidons vides à la frontière où des Nigérians vont les prendre pour les remplir en perçant les pipelines. L’essence est alors ramenée vers le Bénin, transférée dans les bouteilles et vendue à la population à un prix qu’ils peuvent se payer.

De même, une course de zem coûte, pour un Béninois, entre 12 et 50 sous dépendamment de la distance. A ce prix, les gens peuvent se la payer. Pour un yovo, c’est toujours un peu plus cher, même si on négocie chaque course. La semaine dernière un chauffeur sympathique avec qui je discute sur le pas du portail de ma maison me demande combien la distance que l’on vient de parcourir m’aurait coûté au Canada. Je calcule rapidement, j’hésite à lui répondre, mais je sens qu’il a déjà une bonne idée de la réponse. Résultat du calcul mental : 30 fois plus cher… Je crois que j’ai été plus surpris que lui.

Pour ceux qui se demandent c’est comment être blanc en Afrique noire, je réponds donc qu’après le premier choc des enfants qui vous courent après, il y a un malaise qui se construit tranquillement en vous lorsque vous comprenez à quel point vous êtes riches et à quel point c’est écrit sur votre peau peu importe ce que vous faites. Les gens nous sollicitent fréquemment. Pas les commerçants dans la rue, mais les gens qui y marchent simplement. Les enfants nous demandent quelque chose à manger, les gens nous demandent cinquante francs après nous avoir donné une direction, nous demandent de leur payer un billet d’avion pour que nous revenions au Canada avec eux…

Toujours dimanche, nous partons marcher sur le bord de la lagune. Des gens nous emmènent en pirogue, nous sortons des sentiers touristiques de la ville et c’est tout un nouveau visage du Bénin que nous découvrons. La nature, les palmiers, l’eau, les hérons et d’autres oiseaux aquatiques qui nous survolent. Nous donnons un peu d’argent à la famille qui nous a fait visiter. Les enfants sautent littéralement de joie. Marceline, la chef de famille, reste calme et souriante. Elle nous reconduit jusqu’à la route que nous devons prendre pour entrer chez nous. Sur le chemin, elle nous présente un fermier qui nous montre ce qu’il cultive. Marceline pointe les concombres : « Des légumes de Blanc ! » La moitié des parcelles de terre ne sont pas cultivées par manque de moyens. Le fermier s’adresse alors à nous. Le plus simplement et humblement du monde, il nous dit qu’avec l’aide de Dieu il réussira son projet et qu’il voit en nous une volonté d’aider. « Tout ce dont j’ai besoin, dit-il, c’est une pompe à eau ! » On essaie de lui expliquer que nous ne pouvons pas lui acheter de pompe, que tous les Blancs ne sont pas millionnaires. On se quitte bons amis malgré tout, avec ce malaise diffus qui grandit…

Bon, ça conclut mes réflexions de lessive et ça fait 2h que je suis à cet ordi ! Internet n’est pas revenu et il y a eu 3 pannes d’électricité qui heureusement ne m’ont rien fait perdre !

Je vous poste ce message une prochaine fois, aujourd’hui en l’occurrence, vendredi saint !

Jean-Luc

jeudi 19 mars 2009

D’abord, je suis bien désolé des délais pour ce nouveau message. La chronique je voulais écrire la semaine passée devait s’intituler : Le Bénin par intermittence. J’y aurais parlé des pannes d’électricité quotidiennes, de la connexion internet qui ne fonctionne pas et de toutes ces petites choses qui font que techonologie et sous-développement se côtoient ici au quotidien. Mais ce sera pour une autre fois.

Maintenant que l’internet fonctionne, la seule chose dont je peux vous parler, c’est du réel choc que je suis en train de vivre.

Jusqu’ici, il n’y avait qu’une seule chose que je n’avais pas aimé au Bénin : des trippes de mouton. C’était coriace et caoutchouteux, visqueux et impossible à déchiquetter avec les dents. Après une grimace, j’ai recraché le morceau et je l’ai laissé refroidir au coin de mon assiette. Or, ce mardi, ce que j’ai vécu ne pourra pas être mis à l’écart et ignoré. On a eu beau nous avertir au Québec et même ici, quand c’est arrivé, l’étape 1 du choc culturel, l’émerveillement, a cédé la place à la deuxième phase : l’incompréhension.

Mardi à 8h25, nous observons une classe lorsque nous entendons des cris d’homme graves, du ton que l’on prend pour gronder et punir, suivi de claquements qui ne laissent aucun doute sur leur nature. Lors de la classe suivante, ce que nous avions entendu se confirme devant nos yeux : parce qu’il n’avaient pas leur cahier d’exercice ou parce que ce dernier n’était pas à jour, trois élèves sont envoyés chez le préfet de discipline. Ils reviennent 20 minutes plus tard en sa compagnie. Le préfet demande de présenter la paume de la main sur laquelle il assène un coup d’un large bâton en bois dur. 10 fois, et au suivant. La classe est silencieuse ou retient un soupire sur les coups les plus durs. On compte les coups et on reprend ceux qui ont été manqués parce que le châtié a retiré sa main trop vite. A la sortie du préfet les punis s’exclament : « ça fait du bien monsieur » et tout le monde s’esclaffe, sauf les deux yovos au fond de la classe.

Au cours suivant, c’est le professeur qui enseigne cravache à la main. La cravache est une lanière de cuir utilisée pour motiver les enfants à travailler. On fouette le dessus du crâne de l’élève. Ne pas être à la bonne page de son cahier d'exercice, ne pas être en train de participer activement à une discussion de groupe ou être surpris à parler d'autre chose que de le matière sont des comportements suffisant pour justifier son emploi. On peut aussi tirer les oreilles, pincer les ouïes, pousser l’élève ou le cogner des jointures sur la tête. Mais ici, c’est la cravache qui gagne la palme/ près de la moitié de la classe y est passé. Lors d’un travaille en groupe, le professeur passe entre les tables et crie : « tais-toi et participe à la discussion ! » puis il fouette l’enfant. Aussitôt, toutes les équipes sont debout en position de caucus, elles s’activent, s’affairent et discutent ferme des caractéristiques des milieux polaires. C’est moins pire, au cours précédent, on abordait les droits de l’homme…

Disons que c’est assez confrontant : alors qu’au Canada, ces comportements sont bannis depuis un bon 40 ans (seulement, il faut nous le rappeler) et qu’ils conduiraient leur auteur en prison, ici il s’agit d’un moyen pédagogique rigoureux et socialement accepté – bien qu’officiellement interdit par la loi. Ici, le châtiment corporel est utilisé pour élever les enfants, même en famille : il nous arrive souvent d’entendre des gamins de 5 ans hurler sous les mêmes punitions que celles que je viens de décrire.
Et après ces scènes que nos valeurs et notre éducation occidentale nous empêchent de cautionner, à la fin du cours, le professeur vient nous voir, très gentil et respectueux, nous invitant à discuter pédagogie et didactique.

Je vous livre ça brut, comme je l’ai vécu ce mardi. Depuis, je réfléchis beaucoup à ça et je mesure la différence qui sépare les mentalités de chez nous et d’ici. « L’homme blanc, n’est pas comme l’Africain » m’a répondu ma mère d’accueil, elle-même enseignante, à qui je faisais part de mes observations du jour. Je n’ai pas fini de réfléchir à ça et j’y serai confronté tout au long de ce stage qui ne fait que commencer.

Sinon, je garde le moral et la santé, je rencontre des Béninois très sympathiques et je pars visiter Ganvié et Ouidah cette fin de semaine. Ganvié est un village lacustre, c’est-à-dire sur pilotis au cœur d’un lac et Ouidah est la ville d’où sont partis une grande partie des esclaves lors du XVIIe au XIXe siècle. Comme quoi la violence n’est pas une exclusivité africaine.

A bientôt !

samedi 7 mars 2009

Un yovo à Porto-Novo

Déjà de retour qu cyber-café ! Profitez-en, si je suis retourné si tôt, c’est parce que je croyais que le message que j’ai écrit hier ne s’était pas rendu. La façon dont ça fonctionne, c’est qu’on achèyte du temps sur un compte. 1h coûte 250 francs, soit environ 50 sous. Quand j’ai cliqué envoyer le message hier, il restait 2 min à mon compte et ça a coupé avant que je ne vois le résultat. Evidemment, les connexions ne sont pas ultra-rapide, mais c’est quand même plus rapide qu’une connection internet téléphonique. Le pire est de s’habituer au clavier azerty.

Parlons donc des prix ! Une bière coûte 1 dollars ou un peu moins. Un repas pour 2 nous a coûté hier environ 2,50 dollars avec les boissons. Les gens boivent beaucoup de sucreries, ce qui correspond à des Seven-Up, Coca-Cola (pas vu de Pepsi), et autres jus de fruits très sucrés embouteillés. Il y a un jus de pamplemousse très goûteux qui est excellent. On peut se rendre à peu près n’importe où en zem, les motos-taxis, pour moins de 1 dollars.

Justement, j’ai eu ma première balade en zem ce matin. Zem, c’est un diminutif pour zemidjan qui signifie « prend-moi brusquement ». Notre première balade n’a pas été violente du tout, mais nous ne sommes pas allés loin et nous étions sur les routes de terre sur lesquelles on circule lentement. Seuls les grands boulevards sont pavés, bitumés comme on dit ici. Pour mon père, tu seras content d’apprendre qu’ici le casque n’est pas obligatoire et pour ma mère, tu seras rassurée de savoir que notre organisme nous a fourni de beaux casques avec visière et que nous le portons ! La proportion de personne portant le casque est de moins de 1 pour cent je dirais. Pourtant, le traffic sur le bitume est impressionnant ! Si de façon générale on roule à droite, ce n’est pas une règle absolue ! Et pour traverser la rue ou entrer sur un boulevard, il faut savoir jouer du coude. Les petits blancs que nous sommes sont bien heureux de trouver quelqu’un à qui se coller pour pouvoir traverser en même temps que lui ! Les gens d’ailleurs sont sympathiques et nous aident volontiers.

Être blanc ici, c’est être une minuscule minorité extrêmement visible. Mis à part à dans les hôtels, nous n’en voyons jamais. On nomme l’homme blanc yovo et quand les petits enfants nous aperçoivent, ils chantent spontanément une petite comptine qui dit : « Yovo, yovo, bonjour, ça va bien, merci ! » Hier, alors que nous marchions dans les rues après la rentrée des classes, nous nous la sommes fait chanté une bonne centaine de fois ! Ok, disons 50… Les enfants viennent nous voir avec un air étrangement fasciné, en riant, et plusieurs viennent nous serrer la main. C’est surprenant la première fois, même si nous en avions été averti !

Ah ! Grande surprise, malgré toute la résistance dont j’ai su faire preuve à Montréal, je possède maintenant un cellulaire ! Ici, tout le monde a un mobile, c’est le meilleur moyen d’accéder à la téléphonie en l’absence d’un réseau téléphonique traditionnel trop coûteux. Tous les appels entrants sont gratuits pour moi et je peux aussi recevoir des messages textes. Mon numéro est le 96 27 23 37. De Montréal, je crois qu’il faut faire le 0 11 pour faire un interurbain outre-Atlantique, puis composer le 229 qui est le code du Bénin. Vous composez mon numéro par la suite ! Rappelez-vous qu’il est 6 h plus tard chez moi, mais ne vous inquiétez pas, je ferme le mobile la nuit. Quoiqu’il en soit, ça a été un choc de m’initier à cette technologie ici !

Bon je vous laisse et je vous retrouve dans quelques jours !

Jean-Luc